LES MUTATIONS DU COMMERCE DE L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE

S’il y a un domaine industriel dans lequel la recherche permanente et l’innovation sont l’épine dorsale de l’évolution, c’est bien le domaine médico-pharmaceutique. La gestion des nouvelles découvertes sur les maladies déjà connues, et les nouvelles maladies et pandémies en sont les preuves palpables. Ces découvertes, entrainent de facto des changements et des réadaptations dans la promotion des produits de cette industrie.

Pour avoir exercé dans le domaine du commerce de l’industrie pharmaceutique en Afrique, depuis les années 1988, je me sens bien placé pour relater les différentes mutations qui ont touchées le monde de l’industrie pharmaceutique surtout dans son aspect commercial.

La meilleure façon d’aborder ce sujet, souvent épineux, serait à mon sens de procéder par niveau d’interaction des acteurs du commerce de l’industrie pharmaceutique. Avec ses parties prenantes, ses acteurs et évidemment ses réseaux.

PARLONS DE L’ORGANISATION DU SECTEUR DU COMMERCE DE L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE.

Qu’est-ce qui était fait ?

Sur le plan organisationnel, tous les laboratoires de renoms ou qui étaient bien placés dans la hiérarchie au niveau mondial, en termes de chiffres d’affaires avaient une direction en Afrique. Parfois dans tous les pays même ceux qui sont appelés petits pays dans notre jargon.

Ces structures étaient exclusivement dirigées par des expatriés bénéficiant de tous les avantages sociaux liés à leur dépaysement. Ces représentations directes de ces laboratoires n’avaient pas d’intermédiaire en ce temps-là. La plupart, se heurtaient à la dure réalité du marché africain, qui a ses propres spécificités.

Il y avait en ces débuts très peu d’agences locales de promotion. S’il y en a une qui peut faire office de pionnier, c’est bien les agences DISPHARM et CHAMBRELANT entre autres. Toutes ces agences locales de promotion avaient leurs bases en Europe et des bureaux régionaux dans les pays africains.

Cette configuration des structures commerciales de ces laboratoires pharmaceutiques a été soumise à l’épreuve des fusions et acquisitions de plusieurs entités. Ce qui a redessiné l’environnement de la représentation médicale en Afrique subsaharienne.

L’introduction lente mais sûre des génériques à une large échelle d’utilisation a été un autre facteur déterminant dans cette évolution. Elle a contribué à imposer des changements dans la manière de faire la promotion des médicaments auprès des prescripteurs et de facto dans les équipes commerciales et les structures dirigeantes.

Et maintenant ?

Aujourd’hui le marché est fait de structures appartenant à des laboratoires de renoms, aux côtés desquels on retrouve des agences de promotion de renom appartenant pour certains à des distributeurs européens, français plus précisément (ils y sont actionnaires), à l’instar d’ETHICA, TRIDEM, CHAMBRELANT, PLANET etc… et enfin des agences appartenant à des acteurs locaux.

Pour comprendre la différence fondamentale entre ces différentes structures commerciales, il suffit de regarder les portefeuilles de produits dont ils font la promotion. La nuance à noter est que certaines grosses firmes, s’offrent une cohabitation de deux types de réseaux commerciaux : leur réseau propre en concomitance avec un réseau externe. De ce fait, Il est très facile de constater des affinités en matière de portefeuille à promouvoir.

L’avenir des agences locales semble être conditionné par un ensemble de pratiques qui certes permettent de « vendre », mais aussi à la montée en puissance des ARP (Agences de Régulation Pharmaceutiques). Ces ARP posent de nouvelles dispositions dans les procédures d’enregistrements et de surveillance des activités commerciales dans le domaine pharmaceutique.

LE ACTEURS ET CIRCUITS DU COMMERCE DE L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE

Sous nos cieux et ailleurs, le circuit de distribution du médicament est régulé. Il reste sous le contrôle des ARP (Agences de Régulation Pharmaceutique) et/ou DPM (Direction de la Pharmacie et du Médicament) qui ont toujours été éprouvées par des circuits « parallèles », qui sont tout aussi florissant d’un pays à l’autre sur le continent africain.

De Roxy à Abidjan, en passant par le marché Madina à Conakry, le circuit parallèle est là, comme pour rappeler l’adage qui dit : « quand il pleut chacun se protège la tête ». Ces circuits existent car il y a une demande, celle-ci s’explique en général par le niveau de pauvreté des populations et le prix des médicaments qui restent encore inaccessible pour certaines couches sociales.

Pause : Mais pourquoi ces circuits « parallèles » persistent malgré les mesures prises ? Est-ce que le médicament couterait toujours aussi chers malgré l’arrivée des génériques ?

Il semble que oui !

Le prix du médicament ne pourra réellement chuter que si la production locale (embryonnaire mais en plein développement) prend le pas sur les importations pour au moins, le top 10 des médicaments essentiels selon les données de la consommation réelle. Les étapes et acteurs de la mise à disposition du médicament, coûtent chers au consommateur final, en additionnant les coûts logistiques, les frais annexes et les marges.

Et les acteurs dans tout ça ?

Dans cette ambiance, la profession de visiteur médical a aussi fait son chemin. Sur fonds de changements structurels et organisationnels, le marché de ce métier est partagé comme signalé plus haut entre les poids lourds et leur organisation, les agences de renoms et les agences locales.

Il est clair que tous ces acteurs veulent tirer leurs épingles du jeu, en faisant le maximum de bénéfice possible.

Le but de tous est de « vendre », mais vous conviendrez qu’il s’agit de médicaments et que tout n’est pas permis.

Nous observons malheureusement des pratiques diverses les unes des autres, d’une agence à l’autre. Même celles qui se défendent d’une certaine renommée, se laissent facilement prendre au jeu de l’adaptation aux pratiques concurrentielles des moins orthodoxes. On y voit de tout, et de tous les types de visiteurs médicaux, de toutes les pratiques et l’essentiel semble être : « vendre seulement ».

L’avenir de la profession parait engagé dans un flou aux différentes manifestations.

Avons-nous affaire à des délégués médicaux, à des livreurs de commandes, à de vrais partenaires de la communication médicale, à de vrais commerciaux, mieux à des technico-commerciaux du médicament ? ou pire (au risque de vous choquer) à des commerçants prêts à tout pour vendre leur stock ?

On rencontre aujourd’hui sur le terrain des « commerciaux » dont le seul argument de vente est : « toi prescrit quoi, moi fait quoi pour toi ? » Ils ne parlent pas bien français et sont souvent accompagnés des VM parlant français.

Qu’est-ce qui ne marche pas bien dans cette profession et serais-je le seul à m’en inquiéter ?

Good question, diriez-vous !

Oui, je suis d’avis qu’il faille faire un chiffre d’affaires, avoir les commissions, de l’argent pour vivre. Mais nous ne vendons pas de l’eau minérale. Nous faisons la promotion de M-E-D-I-C-A-M-E-N-T-S, un élément essentiel à la santé et au bien-être de nos populations.

Laissons, les profits de côté, et parlons de DEONTOLOGIE d’une profession et son avenir, parce que, c’est de ça qu’il s’agit effectivement. Parlons aussi de l’avenir de ceux qui la pratiquent aujourd’hui, en jetant un regard sur la fin de ceux qui l’ont pratiqué pendant des années passées.

Croyez-vous que notre profession ait toujours ses lettres de noblesses, la décence nécessaire à sa pratique ?

Croyez-vous qu’un VM bien formé à la déontologie de la visite médicale, et aux règles de la compliance puisse se livrer à certaines pratiques ?

Selon vous de qui dépend (et de qui viendra le changement), l’expansion de certaines pratiques non orthodoxes, des VM du terrain face à des clients au besoin changeant, ou des dirigeants ?

Pourquoi ces pratiques prospèrent et quelle est la part de nos partenaires en blouses blanches ?

Autant de question que nous nous devons de débattre prochainement …

Alors, et vous quelle est votre opinion ?

En attendant vos apports et commentaires, je vous dis

à très bientôt

Paulin DICKEWU_Spécialiste en redynamisation des activités commerciales, axée sur le SFE (Sales Force Effectiveness) dans l’industrie pharmaceutique

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